Le pape, Hamlet et le prêtre qui préférait la Bibliothèque Rose

Les propos du pape (« Mais on ne peut pas dire, ce n’est pas vrai et ce n’est pas juste, que l’islam soit terroriste« , ici), certes dans un flot de choses classiques, ont donc choqué à peu près tout le monde. Tout le monde l’a dit, et dans des expressions plus ou moins appropriées à la place de chacun. Du prêtre posant en baroudeur à l’avocat fragile, du fort en gueule à l’évêque dans sa sacristie, tous ont peu ou prou exprimé leur incompréhension.

On peut bien alors « faire confiance » à son père et ne rien dire. Mais les faits et les propos ont moins à voir avec le précédent historique de Pie XII (homme de culture internationale, expert es Germanie) et plus avec la confusion sud-américaine d’un monomaniaque obsédé par la pauvreté matérielle et le jeu verbal, sans autre bilan missionnaire que la communication. Ce pape étrange a été élu à la place de Pierre, dans des conditions pourtant floues et à la limite de la légalité canonique… Dont acte.

Hamlet2Nous nous retrouvons donc comme Hamlet, dont le père est mort, assassiné par son frère, et la mère remariée à ce dernier. Les incertitudes et les errements papaux, « sont des choses normales, comme l’ont connu nos pères et comme nos fils le connaîtront.  » (Shakespeare) Nos pères ont connu le Ralliement, la condamnation de l’Action Française ou des prêtres ouvriers, la liturgie « Paul VI » ou Humanae Vitae. « Rien de grave » évidemment. Mais nous connaissons les prêches d’imams dans les cathédrales et les basiliques. Les successeurs des apôtres entretiennent le mensonge sur la famille et la confusion sur la foi. Nos mariages sont reconnus majoritairement nuls à cause de notre ignorance sacramentale. La trahison de la promesse conjugale devient « vraie expérience de fidélité » (Amoris Laetitia).

hamlet4Objectivement, nous avons toutes les raisons de crier notre trouble, comme l’acide d’une trahison envers la personne de Jésus-Christ. On pourrait même penser que dans ce relativisme généralisé que notre mère a commis « une action qui flétrit la rougeur et la grâce de la pudeur, qui traite la vertu d’hypocrite, qui enlève la rose au front pur de l’amour innocent et y fait une plaie, qui rend les voeux du mariage aussi faux que les serments du .joueur ! Oh ! une action qui du corps du contrat arrache l’esprit, et fait de la religion la plus douce une rapsodie de mots. » (Ac3 Sc 4)

Dans ce bouleversement indéniable -et si tant est que nous ayons un peu de vie intérieure, de liberté de conscience et de force d’âme-, nous ne pouvons qu’être déchiré à la vue de cette dérive stérile, de cette Eglise -par ces temps et ce pays- moribonde.

Où est Jésus-Christ là dedans ? Comment ne pas penser au Lama Sabaqtani ? Que faire ? Que penser ? « Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte? « . Faut-il hésiter à « mourir et s’endormir pour mettre fin aux maux du coeur » ou bien risquer de « mourir et retrouver le cauchemar » (le fameux « To be or not to be… »)

Évidemment, dans un paysage consensuel et atrophié, les tourments anglais sonnent mal. Mal par leur complexité ancienne, mal par l’effet que la langue a sur des esprits polis par l’embourgeoisement . Mais ces mots sont ceux des tréfonds de l’âme, ceux de la vie réelle -intérieure-, loin des règles sociales et des us modernes. Et ces mots ne « semblent pas, ma Mère ; ils sont !« . Peu le réalisent, mais le « tumulte intérieur reste caché », loin de ce qui apparaît dans les surfaces numériques ou dans les discours policés. (Hamlet, Ac 1, Sc 2).

De là, deux positions peuvent alors se prendre : ou bien demander à Hamlet de policer son discours qui n’a pas sa place à la cour mouvante -position du roi meurtrier et de sa femme complice-, ou rester fidèle à l’écorché vif, quels que soient les tourments et les questions, comme Horatio. Imposer à l’homme de rentrer dans un schéma de Bibliothèque Rose ou affronter le réel et la complexité, tels des anthropologues en pays exotiques. Jouer les saintes nitouches  aux bons sentiments, ou plonger dans les âmes et leur complexités. Condamner le « manque d’espérance » comme untel ou se consacrer à la donner.

Siroter l’aimable Bourget ou affronter Bernanos.

Témoigner d’un Jésus-Christ Superstar bourgeois ou bien affronter les angoisses de Hamlet qui, dans sa liberté et sa noirceur, attend le salut.

Hamlet, by Branagh

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