Christianisme et civilisation : incarnation, mission et masse

Le drame du christianisme occidental actuel, (…) est précisément la déchristianisation des masses. Qu’il y ait des crises dans les élites intellectuelles, il en a toujours été ainsi.[…] Mais ce qui est beaucoup plus difficilement réparable, […] c’est la constitution d’un peuple chrétien.

[…] Certains diront que le christianisme n’a pas besoin de nombreux adeptes, qu il vaut mieux un petit nombre et qu il soit fervent […]. Le christianisme doit accepter d’être un sel ou un levain et pour cela ne pas se laisser diluer dans la pâte. L’essentiel est qu’il garde sa saveur. L’Église est un signe dressé parmi les nations. Elle doit plutôt se préoccuper de rester intacte que de recruter de nombreux membres. [… Or, cette position ] est inacceptable. […] N’est-ce pas quelque chose que ce soit sous la forme chrétienne qu’un homme exprime son besoin religieux fondamental ? N’est-ce pas essentiel que l’institution ecclésiale soit partout présente dans la parole et les sacrements, pour que tous puissent venir y puiser à la mesure de leur soif ? Ne risque-t-on pas autrement de tomber dans un christianisme de secte, dans une religion d’intellectuels ?

[…] L’Église a donc le devoir absolu de se rendre accessible aux pauvres.Et encore une fois elle ne peut le faire qu’en créant les conditions qui rendent possible le christianisme aux pauvres. Or, il est clair que beaucoup de choses aujourd’hui s’y opposent. La civilisation technique tend à adsorber les hommes dans des préoccupations matérielles. La socialisation et la rationalisation laissent peu de place  à la vie personnelle. La laïcisation de la vie fait que Dieu n’est plus présent dans la vie familiale, professionnelle, civique. Ainsi se constitue un monde dans lequel tout détourne les hommes de leur vocation spirituelle.

Cardinal Jean Daniélou, L’oraison, problème politique, CERF, 2012 (original, 1965)

J’avoue qu’en mon diocèse costarmoricain, on se préoccupe des pauvres comme on fait l’aumône : une satisfaction de l’ego dans une grande peur du monde libre. Et la désertification des églises n’est qu’une autre forme de l’orgueil breton, la fierté crasse des imbéciles. Quant à la « religion d’intellectuels » elle me rappelle celle des chanoines de St-Brieuc qui préfèrent le Saint Livre à la présence mystérieuse et muette du Saint-Sacrement qu’ils refusent..

Les pauvres du pape François me paraissent en effet moins les profonds démunis que cette classe moyenne, formée par l’Etat et délaissée par l’Eglise, incapable de répondre à l’appétit des âmes dans une culture désertée…

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